par Jean-Claude Colrat La naissance d'une figurine ressort toujours un peu du miracle : quelques pièces de plastique blanc au cas présent (ce pourrait être du métal ou de la résine...), quelques petites limes, une paire de ciseaux, une pince brucelles, un peu de colle, un peu de résine polymère, et enfin quelques touches de peinture... et c'est ainsi que la collection s'accroît d'une pièce unique, celle que personne d'autre ne possédera. Ce miracle est surtout possible avec les figurines en plastique, celles de la marque "Historex" essentiellement, dont le catalogue de pièces détachées est impressionnant, allant jusque dans le détail des ornements de retroussis ou des boutons. De plus c'est une matière facile à travailler, malléable à la chaleur que ce soit celle de l'eau chaude, d'un sèche-cheveux ou d'un petit pyrograveur... permettant des transformations qui sont beaucoup plus difficiles avec des pièces en résine ou en métal.
L'idée de la création surgit souvent devant un dessin ou le détail d'un tableau, ou plus rarement germe dans l'esprit tortueux du figuriniste. Au cas présent, c'est une gouache de Niklaus Hoffmann qui m'a servi de modèle pour créer ce Timbalier des Chasseurs à cheval de la Garde Impériale en 1804. Hoffmann était un peintre au service du grand-duc de Hesse-Darmstadt, grand amateur d'uniformes et qui l'envoya à Paris pour peindre les tenues de l'armée française. Il s'agit ici du costume oriental du timbalier des chasseurs à cheval de la Garde créé pour les cérémonies du sacre de Napoléon Ier (2 décembre 1804). Cette gouache, comme bien d'autres du même auteur, sont conservées par la célèbre fondation créée aux USA par Anne S.K. Brown.
|
![]()
C'est dans le fabuleux catalogue de pièces détachées de la Société Historex que j'ai puisé les pièces qui me serviront à la création de cette figurine. De la pâte époxy (type Milliput ® par exemple) et de la carte plastique me serviront à ajouter et parfaire certains détails. Le premier travail consistera à ébarber soigneusement les pièces afin d'enlever les lignes du plan de joint des moules, avec une lame de cutter, de fines limes et petites meules d'une mini-perceuse. |
J'assemble le plus facile : le cheval. Il est constitué d'une tête et d'une paire d'oreilles (le toupet et la crinière, qui sont nattés au cas présent, seront réalisés plus tard), de deux demi corps (dans certains cas on peut les couper en deux pour faire des quarts de corps permettant de multiplier les combinaisons pour créer des attitudes plus réalistes), d'une queue, de fers et d' "attributs"... Il faut bien "mastiquer" et poncer la jonction de la tête et du corps pour la rendre invisible sous la peinture à venir. |
.
Les galons de la schabraque seront ajoutés en fine carte plastique. |
![]() Ce timbalier s'appelle Antoine Jean Bruneau Lemoine et il était âgé de 16 ans à l'époque du sacre de Napoléon ; selon ses états de service il mesurait alors 1 mètre 34... D'où la petite taille du timbalier fort bien représentée sur la gouache d'Hoffmann. J'ai donc découpé les jambes en trois tronçons que j'ai réduits en longueur puis ré-assemblés, mastiqués et poncés. |
Ajout du turban et du plumet, de la ceinture, du sabre (lui aussi raccourci)... modelage (au Milliput) de manches courtes sur les bras, ajout des mailloches (fil d'acier et petit rond de plastique), confection du cordon de sabre en fil de cuivre fin torsadé...
|
Je complète peu à peu le harnachement du cheval, en particulier par ses éléments décoratifs : panache sur la têtière (panache pour tambour-major), crinière (le tressage étant figuré par un cordon de bonnet à poil de grenadier, toupet (cadenette de hussard)... et puis j'assemble les timbales et réalise le système d'accrochage sur la selle (que je simplifie un peu par rapport à la notice Historex car beaucoup d'éléments seront cachés par les tabliers).
|
Voici l'instant crucial : la confection des tabliers de timbales. Je fais un dessin grand format sur papier, en me servant comme base de la gouache d'Hoffmann. Je scanne le dessin, le réduit à l'échelle, l'imprime sur papier. Je le découpe en prévoyant une double épaisseur que j'encolle avec de la colle blanche liquide : en séchant, la colle rigidifie le papier que j'ai mis en forme sur les timbales.. |
Mon timbalier est ainsi presque achevé : je fais de l'autosatisfaction en lui trouvant fière allure. Il va me falloir ajouter au dernier moment quelques détails très fragiles, en l'occurrence les glands qui ornent les pointes de la schabraque et les tabliers de timbale. Pendant tout le temps du montage, j'ai réalisé en parallèle le socle avec un sol pavé (en Milliput) qui correspond au décor citadin dans lequel parade ce timbalier. |
|
Vient maintenant la phase indispensable pour donner vie à la
figurine : la peinture. Personnellement je peins depuis toujours
à l'acrylique. |
Il s'agissait ici de donner un air assez juvénile à notre petit timbalier : un teint un peu rose, ne surtout pas marquer les rides... bref un aspect un peu "chérubin" ! Les teintes utilisées sont : du blanc, additionné d'ocre jaune et de marron orange, avec un peu de vermillon rouge sang et de l'ombre brûlée (références peintures "Prince August"). Une fois satisfait du visage je continue de peindre ma figurine de haut en bas. Les parties principales du costume sont bleu ciel et cramoisi, couleurs des musiciens et trompettes de la cavalerie de la Garde Impériale (ces couleurs avaient été choisies en Égypte par le général Bonaparte pour les têtes de colonne de l'Armée d'Orient et ils les avaient importées pour sa future garde consulaire). L'or est un mélange d'ocre jaune et d'or acrylique, ombré à l'ombre brûlée, afin de rendre l'aspect "or mat" des broderies et galonnages, par opposition à l'or clinquant des parties métalliques. |
Le timbalier terminé, je passe à la peinture du cheval. Il s'agit évidemment d'un cheval gris, comme celui des trompettes traditionnellement. J'en fais un gris pommelé, avec des crins clairs à extrémités plus sombres. L'oeil est peint entièrement en brun presque noir, avec une goutte de vernis brillant. Je ne m'attarde pas sur les parties qui seront couvertes par la sellerie...
|
C'est ensuite au tour du harnachement. La schabraque et la selle sont bleu ciel, avec galon, soutache et cor dorés. La sangle est en forte toile grise rayée d'ocre. La briderie est en cuir noir, sauf le bridon qui est en galon doré. Les mors sont en acier à bossette dorée. Les rubans de nattage et leurs noeuds sont bleu ciel à franges et boutons dorés. Le panache est formé de plumes vertes (rappelant la couleur du fond de l'uniforme des chasseurs à cheval), blanches et rouges.
|
Le timbalier est collé sur sa selle, muni de son sabre à cordon tressé vert et dragonne cramoisie et or. Les étriers sont en acier noirci. Il sont du modèle français car, si le costume est oriental, le harnachement est français. Nul doute que ce tout jeune cavalier, né à Paris, n'était pas habitué à des étriers arabes qui induisent une monte dure assez impropre à la conduite d'un docile cheval de parade. Les rênes sont des lanières découpées tout simplement dans du papier. Contrairement aux timbaliers actuels, elles ne sont pas attachées aux étriers. Le cheval se laissait conduire entre deux chevaux de trompettes.
|
![]() ![]()
Les
tabliers des timbales sont bien sûr les parties demandant le plus de
précision pour la peinture afin de respecter au mieux leur
délicate ornementation. Au centre se trouve le manteau impérial
surmonté de la couronne, avec un aigle doré sur le fond d'hermine.
Ce motif central est encadré d'un côté par une branche de chêne et
de l'autre par des
palmes. Les timbales
elles-mêmes, que l'on voit peu, sont en cuivre. |
|